dimanche 25 janvier 2015

Un "QE Bazooka" pour Mario Draghi, le Président de la BCE peut-il tout se permettre ?

par Didier Testot.
Il faut le reconnaître parler QE, 1.000 milliards d'euros, "Quantitative Easing", "assouplissement quantitatif", dettes, rachats de dettes souveraines n'est pas à la portée du premier venu, on peut même ajouter sans provocation que peu de personnes peuvent analyser ce qui se passe, ce que vient d'annoncer la BCE en ce 22 janvier 2015, date historique s'il en est de cette institution. Mario Draghi a utilisé tous les moyens à sa disposition mais quelles en sont les conséquences, quelle traduction économique de ce type de décision ?

J'ai posé la question à Philippe Narassiguin économiste spécialiste des questions monétaires et qui dirige également le site d'informations Economiqs.

Il a bien voulu répondre à quelques questions essentielles :


1/ Et pour commencer comment une Banque centrale prête-t-elle de l'argent à des banques commerciales ?

Pour comprendre ce qui se passe aujourd'hui, il est utile de comprendre un point essentiel. Lorsqu'une Banque centrale prête de l'argent à une banque commerciale (BNP-Paribas, Crédit Agricole, etc.) elle exige en contrepartie que des titres lui soient remis en garantie.

2/  Comment cela fonctionne exactement ?

Un exemple : supposons que le Crédit Agricole ( CA) souhaite emprunter 100 millions d'euros à la Banque Centrale Européenne (BCE). Le CA devra remettre à la BCE un montant de 100 millions d'euros de titres, par exemple des bons du Trésor français. Ces titres ne présentaient aucun risque jusqu'à la crise bancaire de 2007. Autrement dit, jusqu'à 2007, si le CA ne pouvait pas rembourser les 100 millions d'euros, la BCE disposait d'un montant de 100 millions de titres qu'elle pouvait revendre.
3/ Que s'est il passé depuis la crise de 2007 ?

Depuis la crise de 2007, la BCE n'a pas cessé de sortir de son cadre normal de refinancement des banques. Comme l'ont fait d'autres Banques centrales (Fed, Banque d'Angleterre,etc.). En d'autres termes, elle a procédé à des prêts massifs aux banques de la zone euro (pour des programmes de plus de 500 milliards d'euros) pour des durées de remboursement de plus en plus longues, allant désormais jusqu'à quatre ans. En outre, elle accepté des  titres en garantie moins fiables. Enfin, elle consent à prêter aux banques des montants illimités pour un taux d'intérêt de 0,05%. Autant dire de 0%. C'est ce que l'on appelle en anglais le "Quantitative Easing" ou en français "l'assouplissement quantitatif". Désormais elle veut aller plus loin et racheter les bons du Trésor des Etats. 

4/ Est-ce légal ?

Ce n'est pas légal dans la mesure où le traité de Maastricht a interdit le financement monétaire des Etats. Depuis 1992 ! A l'époque par exemple, la Banque de France pouvait faire des avances au Trésor Public et elles  étaient en outre contrôlées par le Parlement. Les avances étaient en somme un découvert "bancaire" autorisé visant à résoudre les décalages de temps entre les recettes de l'Etat ( les impôts) et ses dépenses (salaires des fonctionnaires, etc.). Et ces avances dont on a dit tant de mal quand il a fallu faire la monnaie unique ne portaient que sur quelques dizaines de milliards de francs (et non d'euros). Il est normal dans ces conditions que le Gouverneur de la Bundesbank tire la sonnette d'alarme quant au rachat des bons du Trésor par la BCE. D'autant plus que l'interdiction des avances a permis au Etats de s'endetter à leur guise, sans contrôle parlementaire. C'est un effet pervers découlant de cette interdiction.

5/ Mais si ce n'est pas légal, les citoyens peuvent-ils porter plainte ?

Je pense que la BCE va "emprunter" un chemin indirect. Elle va acheter les obligations des Etats de la zone euro (que l'on appelle aussi bons du Trésor ou titres de la dette souveraine) non pas directement aux Trésors Publics de ceux-ci, mais aux banques ou à d'autres détenteurs de bons du Trésor. Mais ce qui risque d'être dangereux, c'est que les bons du Trésor de la zone euro ne sont pas homogènes en termes de risque. Bien sûr, la BCE dira qu'elle n'achètera pas les bons du Trésor grec. Mais quelle garantie avons nous pour les autres bons du Trésor ? Sont-ils aussi fiables qu'on le dit ? Et si la BCE multipliait les programmes de rachat pour des sommes dépassant les 2000 milliards d'euros (soit le montant du PIB français), que se passerait-il si les Etats ne pouvaient plus rembourser leurs dettes ? En outre les taux d'intérêt sur les bons du Trésor varient d'un pays à l'autre contrairement aux bons du Trésor émis par l'Etat fédéral américain.

6/ Ce que fait la BCE est-il inefficace, vu que la relance économique n'est toujours pas là ?

Tous ces programmes sont voués à l'échec, car les taux d'intérêt de la BCE sont déjà de 0% et de moins de 1% depuis longtemps. Ils ne stimuleront pas la croissance économique. En outre, le lien entre le niveau des taux d'intérêt et la croissance n'a jamais été démontré. On peut d'ailleurs le constater dans certains pays émergents.
Mais ce qu'il y a de particulièrement regrettable, c'est que les banques achètent de l'argent à la BCE à 0% et font des prêts aux entreprises et aux ménages de plus de 4%. En outre, elles accordent de moins en moins de crédit de trésorerie aux entreprises (découverts autorisés, lignes d'escompte, etc). Enfin, elles peuvent facturer les dépassements de découverts à plus de 13% de taux d'intérêt. Pour un achat à 0%, la période de "crise financière" est en effet très faste pour les banques




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