mercredi 17 juin 2009

EDF et les "Risk factors" où sont les leçons de la crise ?

par Didier Testot

L'emprunt EDF c'est un peu comme la finale de la Coupe du Monde de foot avec la France, même ceux qui s'intéressaient pas au football en ont entendu parler. Pour EDF , la publicité radio, télé, presse, internet...viendra vous convaincre que c'est l'événement en Bourse du moment. Et certains confrères qui présentent les "news" toutes les 15 minutes y vont de leur lancement vendeur : "de l'argent bloqué mais sûr".

Qu'en savent-ils ? Un rédacteur en chef compétent c'est-à-dire ayant un minimum de notions sur le fonctionnement de la Bourse et/ou des marchés a-t-il relu ce lancement ? On en doute, par contre le présentateur suivant aura à coeur de reprendre "de l'argent bloqué mais sûr". En boucle, toute la journée, voire toute la nuit pour les insomniaques.

Je croyais que la crise était passé par là, placement boursier, EDF ou pas, doit signifier prudence et explications.

C'est logique qu'EDF y consacre beaucoup d'énergie, avec un site dédié à cet emprunt obligataire ; dans une période où les entreprises cherchent des capitaux. Il est vrai que le succès de l'opération est aussi crucial pour les marchés financiers car il pourrait donner des idées à d'autres entreprises.

EDF a un avantage que les autres n'ont pas, elle fait encore partie du patrimoine national et ce genre d'annonce reste donc symbolique.

Pourtant le premier réflexe des investisseurs et des commentateurs devrait être un rappel des règles d'investissement. Crise financière et économique oblige, signer les yeux fermés chez son intermédiaire financier serait répéter les erreurs de ceux qui ont cru que le rendement n'avait pas son corollaire le risque.

Les articles de presse déjà publiés dont la tonalité est plutôt positive insistent sur la rémunération de 4,5% pendant 5 ans sur des obligations d'un prix de 1.000 euros. Le premier réflexe de l'investisseur à qui EDF demande de l'argent devrait être évident :

Ais-je besoin d'épargner sur une période de 5 ans ? Si j'achète, est-ce que je vais garder les obligations 5 ans, pourrais-je les garder 5 ans ? Aurais-je besoin de cet argent plus tôt ? Quelles sont les conséquences de cet achat sur mon patrimoine financier ? Sera-t-il assez diversifié après cette opération ? Questions essentielles et non exhaustives. Rappeler à l'investisseur qui envisage de constituer un patrimoine financier qu'il ne peut pas être constitué uniquement d'obligations EDF devrait aussi aller de soi.

C'est en toute connaissance de cause que l'on doit investir en tenant compte de sa situation patrimoine personnelle et pas de ce que dit tel ou tel journaliste, spécialiste... Investir c'est un acte individuel et qui a des conséquences. En matière d'obligations, les spécialistes que je connais m'indiquent aussi qu'ils ont trouvé chez d'autres sociétés des rendements supérieurs sur la même période. C'est donc tout cela qu'il faut prendre en compte.

Au-delà de ces réflexions, à la fin des publicités audio et TV on ne peut le manquer même si souvent la voix s'accélère nous sommes invités à lire "les facteurs de risques...disponibles dans le prospectus AMF"...

Et là surprise, l'un des documents disponibles en dehors des éléments fournis par EDF commence par cette phrase : "Under the Euro Medium Term Note Programme described in this Base Prospectus (the "Programme"), Electricité de France (the "Issuer" or "EDF" or "Electricité de France"), subject to compliance with all relevant laws, regulations and directives, may from time to time issue Euro Medium Term Notes (the "Notes") to qualified investors and the public in France or in any other Member State of the European Economic Area ("EEA") where this Base Prospectus has been notified to the competent authority in that Member State in accordance with the Directive 2003/71/EC of 4 November 2003 on the prospectus to be published when securities are offered to the public or admitted to trading (the "Prospectus Directive"). The aggregate nominal amount of Notes outstanding will not at any time exceed Euro 16,000,000,000 (or the equivalent in other currencies at the date of issue of any Notes)..." Du jargon administratif pas vraiment informatif.

Faut-il aller jusqu'à lire les fameux facteurs de risques entendus à la radio ?

L'AMF, le gendarme de la Bourse français nous propose un résumé en français du prospectus rédigé en anglais et du coup, de la page 33 à la page 65 tous les facteurs de risques sont devenus des "risks factors", les investisseurs sont invités à les lire en anglais, pour un produit qui s'adresse au public français ? Cherchez l'erreur !

En anglais, l'investisseur averti lira parmi les principaux risques liés aux futures provisions pour le démantèlement des centrales, cela donne "The EDF Group cannot guarantee that the provisions made will be sufficient. Their insufficiency would have a negative impact on the EDF Group’s financial results and financial situation" (page 55, faut avoir du temps et l'envie d'aller jusque-là).

La logique voudrait pourtant que l'on lise d'abord les facteurs de risques, qu'on en pèse le pour et le contre, ensuite on voit si l'on comprend ces produits, une obligation n'est pas une action. EDF d'ailleurs donne sur son site les grandes lignes de ce que représente une obligation.

Finalement peut-on dire que la crise a changé quelque chose à l'offre de produits financiers, cette fois-ci une obligation EDF estampillée 4,5% ?

A ce stade, je ne vois pas de différence pour l'investisseur particulier. Ceux qui pensent que la crise ne changera rien au mode de commercialisation des produits financiers viennent de marquer "one point" comme on dit en anglais à l'Eurovision.

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