Si l'annonce d'une fusion des bourses Nyse Euronext et Deutsche Boerse n'a intéressé que les journaux spécialisés, les chaines d'infos étant concentrées sur l'Egypte, il n'en demeure pas moins que si cette fusion aboutit, elle signera la mort définitive de la Bourse de Paris et à terme de la place financière de Paris. Un tsunami qui ne sera finalement que la conséquence d'un manque de vision des autorités monétaires et économiques du pays, marquant la fin de l'illusion française de faire de Paris un rival de la City de Londres et de Francfort, loin d'être la ville adorée des traders.
C'est finalement l'Allemagne leader sur le plan économique en Europe qui est venu jouer les troubles fêtes d'une alliance franco-américaine qui s'était déjà fait à l'avantage des américains.
Jean-François Théodore, ancien Président d'Euronext, et heureux retraité (cf les modalités de sa retraite), avait rêvé de vendre son savoir-faire à l'Amérique, mais ce sont les Américains qui avaient pris possession de la Bourse de Paris, Euronext devenant Nyse Euronext (prononcez Naille Ze Euronext).
Malgré la création d'une association Paris Europlace, et la présence en France des principales banques européennes (BNP Paribas, Société Générale...), le mouvement était lancé pour une consolidation au détriment de la Place de Paris, qui n'a pas réussi à attirer les entreprises de dimension internationale, laissant à Wall Street la capacité d'attirer les flux financiers du Monde entier, malgré les crises à répétition de son système financier.
En 1991, la première étape d'une disparition programmée était née d'un rachat par les banques de la Bourse. Les banquiers n'aimaient pas les boursiers et c'était réciproque. Mais les banquiers avec l'évolution des marchés avaient du se résoudre à acheter les charges d'agents de change, certains dans la douleur, avec des valorisations qu'ils ont par la suite regrettées mais qui leur avait permis de faire main basse sur un Palais Brongniart qui voyait ses colonnes devenir le symbole d'un passé sans avenir.
Il reste bien encore aujourd'hui quelques militants de la CGT ou de la CFDT à vouloir honorer le symbole de la Bourse au Palais Brongniart, pour se plaindre des "licenciements boursiers", mais c'est depuis bien longtemps devant un Palais vide.
La Bourse de Paris, la place de Paris avec toutes ses composantes a essayé au cours des dernières années, sans convaincre, de montrer sa capacité de développement. Alors que nous sommes les leaders européens, et dans les cinq pays de tête au plan mondial pour la gestion collective via les OPCVM, nous avions là un avantage compétitif indéniable.
(source AFG/EFAMA/ICI)
Mais n'avons jamais su ou pu attirer malgré cette épargne collective importante, les grandes entreprises mondiales, ni créer sur notre sol, les futurs leaders mondiaux dans leurs secteurs respectifs.
Il suffit d'aller au désormais "Musée" de la Bourse, voir la Corbeille et les dernières cotations qui y sont affichées. Le CAC40 d'aujourd'hui a peu changé, même s'il a vu les banques, le pétrole et la pharmacie dominer avec les années sa composition.
Les naissances de Google, les succès d'Apple, mais aussi avec la montée en puissance des sociétés des BRIC, on cherche la valeur française, nouvelle, mondiale, qui aurait émergé au cours des dernières années, mais on retrouve peu ou prou les mêmes valeurs fusionnées ou pas, les groupes familiaux, mais au delà, peu de leaders mondiaux capables de jouer dans la cour des Grands.
Exagération ? Réalisme ?
La place de Paris a joué les fiers à bras, les déclarations triomphantes, années après années, les ministres des Finances, tous les ans vantant les mérites de notre place financière, pendant que notre voisin allemand, profitant de son côté Est, délocalisait à peu de frais et se refaisait sur le dos de l'Europe, une nouvelle compétitivité.
La France resta engluée dans ses réflexes centralisateurs, continuant à dépenser sans compter, fatiguant les entrepreneurs, oubliant de favoriser la création de PME capables d'aller se battre à l'international pour devenir ensuite des leaders mondiaux.
Si c'est la Deutsche Boerse, après une première tentative ratée du temps de l'ère Théodore, qui revient pour fusionner avec Nyse Euronext, pourquoi aurait-elle changée ? Pourquoi les éléments négatifs d'alors se seraient-ils évaporé ?
Que nenni, simplement aujourd'hui, la discussion est entre Américains et Allemands, et la forteresse de Bercy, comme me l'avait dit un professeur de droit administratif, le pouvoir en France est là, et pas à l'Elysée, Bercy, avec ses visions à court terme balayées par le politique, ne peut plus aujourd'hui que regarder en face le constat de son échec. C'est l'Allemagne qui maitrise le jeu économique en Europe.
La France a regardé passer le train des marchés financiers mondiaux, car elle n'a pas su comprendre qu'au lieu de chercher à copier son voisin, elle devait renforcer sa puissance économique pour faire entendre son point de vue. Les Chinois eux ont vite compris, qu'être un nain économique ne pouvait faire d'eux qu'une faible puissance.
Reste que l'Allemagne et sa gestion verticale, n'est pas un gage de réussite dans les opérations de fusions transatlantiques, la plus belle catastrophe de sa gestion fût sans aucun doute, la fusion ratée Daimler et Chrysler dans l'automobile. Les marchés financiers étant devenus de gigantesques plateformes de trading (plateformes informatiques) il sera peut-être moins compliqué de choisir tel ou tel système, que de concevoir des voitures.
En 20 ans seulement, finalement, le temps d'une génération, le Palais Brongniart aura vu disparaître ses membres, et sa capacité à attirer l'épargne mondiale. Symbolique, à l'heure de la mondialisation, c'est plus qu'un gâchis. Si cette fusion ne se faisait finalement pas, Paris aura eu un court répit car la concurrence aujourd'hui vient aussi des nouvelles plateformes électroniques comme Chi-X, la plate-forme alternative de négociation sur actions européennes (MTF).
Officiel "L’accord de fusion entre Deutsche Börse AG et NYSE Euronext donne naissance au plus grand opérateur boursier du monde". La Bourse de Paris telle qu'on l'a connue, n'existe plus, marginalisée, balayée dans un nouvel ensemble mondial, qu'elle a subi, plutôt que construit.
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